J'avais 17 ans, et j'étais interne dans un collège nantais de jeunes filles réputé bourgeois (et avec une concentration bien au dessus de la moyenne de noms à charnières), tenu par des ursulines romaines issues pour la plupart de ces mêmes milieux.
Mes souvenirs sont ceux d'une grosse confusion , d'une panique générale.
L'établissement étant situé directement dans l'axe "Batignolles- Centre Ville", nous étions aux premières loges pour voir des cortèges de manifestants ouvriers.
A ces moments-là, les fenêtres étaient interdites d'accès, car les débordements de ces barbares "étaient fort à craindre".
Je pense que l'image de têtes sur des piques était dans l'esprit de certaines "mères" .
Moi-même, j'avais une conscience politique peu développée et, partagée entre la crainte et l'excitation, je me laissais porter par le discours ambiant.
Je me souviens surtout de certaines réflexions de parents rapportées par des externes nantaises :
"Ils sont fous!"
ou bien: "Mais ils ne savent pas ce qu'ils font!"
Bref, les ouvriers (nos ouvriers ) sont des irresponsables...
Mais aussi des "Mea culpa" de bons chrétiens :
" C'est de notre faute, nous ne leur avons pas expliqué... "
Pour le mouvement des étudiants, silence. Pas d'échos.
Nous savions confusément que des demandes avaient été formulées par des porte paroles de mouvements étudiants pour nous informer, mais avaient été poliment déclinées par les autorités de la boîte.
Juste quelques jeunes gens très convenables, comme nous, lycéens de "collèges amis" avaient pu venir nous mettre en garde contre un éventuel "noyautage" par les mouvements grévistes (???)
Nous avons été renvoyées rapidement, avant la pénurie d'essence, vers nos calmes campagnes de Vendée où nous pûmes couler de paisibles vacances anticipées pour celles qui n'étaient pas en année du bac.
Chez mes parents, la seule source d'infos était le quotidien "La Croix" que je n'avais jamais eu l'idée d'ouvrir.
Peut être aussi quelques flash-info à la radio ?
Pas de souvenirs.
Mon Mai 68 a été pitoyable.
J'en suis sortie comme j'y étais entrée.
C'est tout.
J'ai appris récemment que mon père était content de voir les choses bouger.
Ah... Papa ...? Lui !!!
Ben, ça alors...